Il serait temps de faire la campagne sur les vrais sujets de société
Le coup de colère salutaire de Dominique Strauss-Kahn
(Socialisme & Démocratie n° 106)
Aujourd’hui, je suis en colère.
L’élection de 1995. Les Français ont soldé les comptes des deux
septennats de François Mitterrand pour embrasser l’illusoire engagement
du combat de Jacques Chirac contre la fracture sociale.
L’élection de 2002. Les électeurs, dans un élan républicain sans
précédent, ont rejeté massivement l’extrême droite et la politique du
pire de Jean-Marie Le Pen.
L’élection de 2007. Sera-t-elle la promesse bafouée d’un vrai débat sur l’avenir de la France ?
Une fois encore, on prive les Français d’un vrai débat sur le
projet de société qu’ils appellent de leurs voeux. On les infantilise.
Sondages à la hausse pour les uns ou à la baisse pour les autres.
Commentaires évidemment savants sur leur fiabilité supposée. Sondages
sur l’intérêt des sondages ! Rumeurs habilement distillées par tel
commentateur ou tel éditorialiste sur l’ambiance au sein des équipes de
campagne. Partage fumeux d’hypothétiques strapontins ministériels alors
que le second tour de l’élection est dans 55 jours ! Et même,
dernièrement, mise aux enchères d’un parrainage d’élu !
Nous marchons sur la tête. J’enrage !
Les questions centrales sont esquivées, évacuées, passées sous
silence. Ce sont les signes d’un pays qui doute, d’une République qui
va mal et d’une démocratie qui étouffe.
La France et les Français méritent un vrai débat avec de vraies réponses à leurs interrogations.
D’abord, une réponse à leurs préoccupations quotidiennes. Le
pouvoir d’achat, la lutte contre le inégalités, le plein emploi, la
nécessaire maîtrise de notre dette, le retour de la croissance : voilà
les thèmes qui devraient être au coeur de la campagne que nous menons
face à la droite.
Ensuite, l’avenir et le chemin que nous voulons tracer pour la
France de demain. La relance européenne, l’éducation, nos universités
et notre recherche, la question du vieillissement et, bien sûr, nos
engagements environnementaux, qui sont désormais le dénominateur commun
à l’ensemble des politiques que nous voulons mettre en place : voilà
les questions essentielles que le prochain chef de l’Etat devra
trancher. Ségolène Royal a proposé, mais personne ne veut échanger, de
peur de se découvrir.
Les vrais sujets sont désespérément absents de la campagne.
On préfère commenter, gloser, pontifier.
Nous sommes à l’heure des choix qui engageront la France pour les
prochaines décennies. L’urgence de la situation économique et sociale
impose un débat « projet contre projet ». Le temps presse ! Nous avons
moins de six semaines avant le premier tour. Alors, allons voir les
Français avec le pacte présidentiel que nous défendons et parlons-leur,
enfin, de politique.
DSK